Les chroniques de Han Maison – Chapitre 1

Les chroniques de Han-Maison

 Chapitre 1

La première journée de ma vie ne fut pas facile.

La pièce était froide. Blanche, avec un petit lit dans le coin. Le fameux rideau bleu de l’hôpital gardait les événements en cours loin du monde extérieur. Sur le petit lit, ma mère se battait pour sa vie et pour la mienne. Ses mains douces s’accrochaient aux couvertures alors qu’elle tentait de contrôler son souffle pour mieux forcer. Huit heures plus tard, je suis sorti triomphalement. Malheureusement, la victoire fut de courte durée. Lorsqu’elle m’a pris dans ses bras, je l’ai gratifiée de mon plus beau sourire. Ses yeux bruns se sont troublés. Mon visage ne bougeait que d’un seul côté. Hématome sous-dural.

 

La 5840e journée ne fut pas facile non plus.

Maman était partie à la boulangerie pour m’acheter un gâteau de fête. Je dinais dans l’aire commune de la résidence.

  • Hey mon gars je t’ai apporté un Jos Louis, c’est le moment de célébrer!

C’était Peter, le plus vieux résident de Han-Maison. J’y vivais avec ma mère pour qu’elle n’ait pas à acheter le matériel adapté dont j’ai besoin. Peter gardait des tonnes de Jos Louis dans son appartement.

  • Tu n’aurais pas dû Pit. Tu n’es plus toi-même si tu gardes moins de mille Jos Louis dans ta chambre. Pit? Quelqu’un a vu Peter? Avais-je répondu en portant ma main gauche à mon front pour faire semblant de le chercher au loin.

Il avait ri en me donnant une bonne tape dans le dos comme il sait le faire.

  • Je vais aller m’en acheter une boite cette après-midi. Ne t’inquiète pas, c’est déjà prévu à l’horaire.

Il n’a jamais eu le temps de remettre son stock de Jos Louis à mille. La Terre a arrêté de tourner. Littéralement. Imaginez, une boule de 5,970 quadrillons de kgkg en rotation à environ 1670 km/h qui s’arrête de tourner sur elle-même d’un coup. Par effet d’inertie, Tout a été projeté vers l’est. Voitures, maisons, humains. Même les océans. Han-Maison est passée de Saint-Siméon à ce qui s’appelait l’Ile aux Lièvres à l’époque. Une grande partie de l’immeuble a été détruit, mais les deux premiers étages sont restés en bon état. Assez pour que les rescapés de Han-Maison puissent y rester. Peter, Nancy, Martine, Charlie et moi y survivons depuis plus de 4 mois. Et quand je dis survivre, je fais référence au sens littéral du terme. Nous sommes plongés dans une nuit éternelle. Selon les calculs de Nancy (elle était prof de sciences au secondaire, mais c’est une passionnée de la physique), nous devrions passer à une période d’ensoleillement continu d’ici deux mois. C’est une question de rotation de la Terre autour du Soleil. Pas une question de rotation de la Terre sur elle-même. Ces temps-là sont finis. Les températures avoisinent les -50 °C. Au même moment, le champ magnétique de la Terre s’évanouit tranquillement, laissant certaines zones marquées par des radiations mortelles. Je ne dis pas que c’est la fin du monde, mais je ne sais plus ce qu’est le monde.