Personnes handicapées et emploi

 

TRAVAILLER QUAND ON PRÉSENTE DES « CONTRAINTES SÉVÈRES À L’EMPLOI »

 

sit_travail15 février 2007 – Le document de consultation sur la Stratégie nationale pour l’intégration et le maintien en emploi des personnes handicapées mentionne d’entrée de jeu que « Les personnes handicapées représentent… l’un des segments de main-d’œuvre les plus défavorisés sur les plans de la formation et de l’emploi. Par conséquent, elles sont parmi les personnes les plus touchées par la pauvreté et les risques d’exclusion sociale. » Ce constat rejoint celui que faisait, en novembre 2003, monsieur Norbert Rodrigue, alors président de l’OPHQ. Sur les ondes de Radio-Canada, il a déclaré, à propos de l’intégration des personnes handicapées sur le marché du travail : « Malgré l’évolution des 25 dernières années, je dirais que tout, tout est à faire. »

Les statistiques déjà réunies sur la question de l’intégration et du maintien en emploi des personnes handicapées sont éloquentes, mais, à ma connaissance, elles ne rendent pas compte de la situation particulière d’un segment de cette population, celui des personnes handicapées physiques considérées comme présentant des « contraintes sévères à l’emploi » permanentes.

Malgré que leur handicap empêche ces personnes d’occuper un emploi suffisamment rémunérateur, un nombre indéterminé d’entre elles ont la formation requise pour jouer un rôle utile dans notre société. Nombre d’entre elles souhaitent travailler, ne serait-ce qu’à temps partiel. Mes commentaires en regard des questions que vous soulevez se réfèrent à ce segment de la population handicapée.

Pauvreté et exclusion du marché de l’emploi sont inséparables. Les personnes handicapées physiques présentant des « contraintes sévères à l’emploi » en font l’expérience à partir du moment où elles doivent faire appel à l’État pour leur assurer un revenu de subsistance. La plupart de ces personnes sont condamnées à la pauvreté perpétuelle. Des mesures pourraient cependant être prises pour offrir à certaines d’entre elles une chance de se sortir de la pauvreté. En voici quelques exemples.

 

PREMIER EXEMPLE

La personne qui a occupé un emploi pendant un nombre d’années suffisant et qui devient invalide et incapable de gagner un revenu suffisamment rémunérateur peut recevoir une rente d’invalidité. Selon les règles en usage à la Régie des rentes, cette personne peut gagner jusqu’à 3 161 $ par période de 3 mois en conservant le plein montant de sa rente d’invalidité (en 2007). Ces deux revenus lui permettent d’échapper à l’extrême pauvreté.

Par contre, si cette même personne avait comme principal revenu une prestation versée dans le cadre du Programme de solidarité sociale, elle ne pourrait gagner plus de 100 $ par mois sans voir sa prestation diminuée d’un montant équivalent au montant gagné en plus de ce 100 $.

Proposition : Dans le cas des personnes présentant des « contraintes sévères à l’emploi » permanentes et qui reçoivent de l’aide financière dans le cadre du Programme de solidarité sociale, il est proposé de modifier les règles en usage pour leur permettre d’accumuler des revenus de travail sans pénalité tant que leur prestation et leurs revenus de travail ne dépassent pas le revenu d’une personne travaillant à plein temps au salaire minimum (40 heures par semaine).

 

DEUXIÈME EXEMPLE

Il existe des programmes de réinsertion sociale tels ceux gérés par Emploi Québec (Devenir, Interagir) dont l’objectif est de favoriser l’insertion en emploi des prestataires d’aide sociale. En théorie, la personne inscrite au Programme de solidarité sociale qui présente des « contraintes sévères à l’emploi » permanentes n’est pas admissible à ce programme puisqu’elle ne pourra jamais occuper un emploi à plein temps qui libérerait l’État de l’obligation de lui verser une prestation d’aide sociale. En pratique toutefois, il est arrivé, à ma connaissance, qu’on inscrive de telles personnes à un programme d’insertion sociale (INSO). Pour des motifs divers, on a accepté, dans ces cas, d’appliquer de façon très souple les règles en vigueur. Les participants ont pleinement bénéficié de cette interprétation des objectifs du programme, tant au plan financier (augmentation de 20 % de leurs revenus) que psychologique ou physique puisque, selon un vieux dicton, « le travail, c’est la santé ». Cependant, la décision d’inscrire ou non un(e) prestataire à ces mesures dépend toujours du bon plaisir de son agent(e).

Proposition : Dans le cas des personnes inscrites au Programme de solidarité sociale qui présentent des « contraintes sévères à l’emploi » permanentes, Emploi Québec devrait assouplir ses règles et reconnaître à ces personnes le droit de participer aux mesures d’insertion sociale ou d’employabilité même si, de toute évidence, elles ne pourront jamais occuper un emploi régulier à plein temps. La participation à ces mesures aiderait un certain nombre de ces personnes à trouver un travail, rémunéré ou non, et aurait des effets bénéfiques sur leur santé physique, psychique et financière.

 

TROISIÈME EXEMPLE

Les personnes qui reçoivent une rente (de la RRQ, de la CSST, de la SAAQ ou autre rente gouvernementale) ne sont pas admissibles aux programmes d’insertion sociale d’Emploi Québec parce que tout bénéficiaire d’une rente de l’État est automatiquement exclu. Or, une personne qui devient invalide au point de présenter des « contraintes sévères à l’emploi » permanentes nourrit souvent l’espoir de retrouver une activité de travail à sa mesure. Elle devra souvent traverser une période d’adaptation à sa nouvelle condition et s’orienter vers une activité de travail différente. 

Proposition : Emploi Québec devrait considérer admissibles à ses programmes de réinsertion sociale les personnes recevant des rentes de l’État et présentant des « contraintes sévères à l’emploi » permanentes.

L’État accepte d’investir dans la formation technique ou professionnelle des personnes handicapées qui veulent poursuivre des études, même si elles ne présentent aucune possibilité d’intégrer un emploi à plein temps ou suffisamment rémunérateur. Ce serait faire preuve de cohérence que de reconnaître leur potentiel en facilitant leur accès à du travail rémunéré à temps partiel.

Dernier commentaire : comme d’autres, je déplore que les statistiques portant sur les personnes handicapées et servant à définir les programmes qui leur sont destinés ne permettent pas de bien connaître cette population. J’ai constaté cette faiblesse l’an dernier lors d’une recherche faite sur l’emploi et les personnes handicapées. N’étant pas spécialiste de ces questions, je n’ai aucune proposition particulière à soumettre à cet égard. Je me contenterai de souhaiter qu’on trouve une solution aux problèmes méthodologiques qui empêchent d’établir un portrait plus nuancé de cette population bigarrée qu’on a l’habitude de désigner par une étiquette unique : les « personnes handicapées ».

Henriette Germain