Revisiter le classique littéraire Sa Majesté des mouches pour revisiter notre perception de l’Humain

RÉFLEXION

Revisiter le classique littéraire Sa Majesté des mouches pour revisiter notre perception de l’Humain

-Mathilde Tremblay, juillet 2021-

réflexion
L’Humain fondamentalement méchant

De nos jours, la majorité des gens croient que ceux qui les entourent sont plus méchants qu’eux et qu’il vaut mieux ne pas leur faire confiance. Du moins, c’est ce que révèlent plusieurs sondages menés, entre autres, par World Values Survey et Ask Your Market. Cette vision négative de l’autre ne date pas de bien longtemps. Le psychologue Adam Phillips explique que ce n’est qu’à partir de l’âge moderne que l’être humain a commencé à se considérer comme mauvais. « Pendant presque toute l’histoire de l’humanité, mentionne-t-il, les gens se sont perçus comme naturellement bons. » Ce n’est que tout récemment que nous avons commencé à qualifier notre espèce comme fondamentalement méchante et égoïste. Ask Your Market a décidé de sonder la population pour savoir ce qu’elle pensait du degré de gentillesse des autres. Il en est ressorti que seulement 16% des répondants pensent que les autres personnes autour d’eux sont très gentilles. Paradoxalement, 46% des personnes questionnées ont indiqué se considérer comme très gentilles.

Découverte sur Sa Majesté des mouches

Le roman Sa Majesté des mouches par William Golding est un classique de la littérature. Il raconte l’histoire de garçons qui se retrouvent coincés sur une île déserte. Laissés à eux-mêmes, ils laissent libre cours à leur nature cruelle et s’entretuent. L’œuvre est considérée comme un emblème de la littérature réaliste puisqu’elle illustre la vraie nature de ces enfants. Lorsqu’ils sont laissés seuls et doivent survivre, ils dévoilent leur visage d’êtres fondamentalement mauvais. C’est un roman qui s’accorde parfaitement avec la vision moderne de l’Humain.

Le journaliste Rutger Bregman, attristé par la vision négative portée par Sa Majesté des mouches, a récemment décidé d’entreprendre des recherches pour savoir si un cas d’enfants naufragés sur une île comme raconté dans l’histoire avait déjà eu lieu dans la réalité. Ses fouilles l’ont mené à ce qu’il appelle « la vraie histoire de Sa Majesté des mouches». En 1965, Six garçons se sont sauvés de leur pensionnat en bateau avant de s’échouer sur une île déserte et hostile. Pendant plus d’un an, ils se sont entraidés pour survivre avant d’être finalement secourus par un pêcheur. Ils n’ont pas profité de l’absence de lois sur l’île pour succomber à leur nature violente comme dans Sa Majesté des mouches. Ils en ont profité pour se serrer les coudes et prendre soin les uns des autres. Cette version de l’histoire renvoie plutôt à la perception positive de l’être humain qui était véhiculée dans le passé. La découverte de Rutger Bregman vient remettre en question le « réalisme » que l’on attribue généralement au livre de William Golding.

Les gentils de la pire espèce

Le courant de pensée selon lequel les gens seraient généralement mauvais rend, aujourd’hui, la gentillesse synonyme de naïveté à l’égard des autres ou d’égoïsme pour obtenir quelque chose en échange. Ainsi, les actes de bontés sont moins populaires et certaines personnes y renonce tout simplement. Selon le psychologue Adam Phillips, abandonner la gentillesse, c’est se priver d’un plaisir essentiel à notre bien-être. Parmi les bienfaits d’agir gentiment on retrouve la diminution des risques de dépression grâce à la sérotonine que cela produit. Agir avec bon cœur aide également à réduire le stress, la douleur et les tensions artérielles.

La découverte de de Rutger Bregman est un des éléments qui alimente la question : Est-il plus judicieux de croire qu’une vision négative de l’Humain est réaliste en se coupant des avantages de la gentillesse ou de décider de croire à « la vraie histoire de Sa Majesté des mouches» et au bien fondamental en risquant d’être blessé en accordant sa confiance aux autres?