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Journal d'Handi-Capable

Les chroniques de Han-Maison

Chapitre 14

Un garçon s’avance vers moi. Il a les cheveux roux pâle, coupés en brosse semi courte. Juste assez longue pour que quelques mèches tombent sur son front. L’ombre d’une barbe naissante modèle son visage. Il s’adresse à moi en plongeant ses yeux d’un bleu clair dans les miens. C’est Jaime. Le gars avec qui je dois tirer des oiseaux. Lorsqu’il s’avance plus près pour me parler de notre « tâche » commune, l’effluve forte d’un parfum sucré emplit mes narines. Elle sert à dissimuler l’odeur d’un sac urinaire, j’en ai senti assez dans ma vie pour le détecter. Selma observe notre discussion un peu en retrait derrière Jaime. Notre petite séance est interrompue par l’arrivé des autres membres de ma famille. Jaime et Selma partent main dans la main pour les accueillir. Eh oui, je l’ai vu. Main dans la main. Et je confirme du coin de l’œil que Charlie aussi l’a vu.

Ida nous convit à la salle à manger pour le déjeuner. L’ambiance est passable si je compare avec l’accueil glacé de ce matin. Je profite du repas pour apprendre à connaitre un peu Lourenço, l’autre gars qui habite ici. Je l’aime bien, avec ses bras fins et ses jeans tachetés de peinture. Ensuite, vient le temps d’aller tirer des oiseaux. Jaime sort de table et me fait un signe de tête pour que je le suive dans le corridor. Il m’amène dans ce que je présume être sa chambre. Là, il s’assoit sur le pied de son lit et il se met à fouiller dans le bas des tiroirs de sa commode. Il me tend une vieille camisole blanche.

« Pour passer la journée dans la chaleur du Soleil », me dit-il.

Je ne sais pas trop quoi répondre. Je me contente de retirer mon chandail et d’enfiler sa camisole.

« Il faut qu’on aille dans la forêt ».

Okay, je suis Jaime sur le sentier qui mène à la forêt. J’ai plusieurs questions que j’aimerais lui poser. D’abord, est-ce que je devrais avoir peur? Ensuite, à quoi vont-ils ressembler, les oiseaux nucléaires?

À quelques pas derrière la maison, on croise une pancarte. 

map




Je ne l’avais jamais remarqué avant… Mon portugais n’est pas très bon (pour ne pas dire inexistant), mais je crois bien que la pancarte est en train de me dire qu’on est dans un genre de parc.

  • Jaime?

  • Quoi mon gars?

  • Les oiseaux sont dans un parc?

  • Non, c’est nous qui sommes dans un parc. On habite dans le Parque Forestal de Monsanto, le Parc Forestier de Monsanto. Tu vis dans l’un des plus grands parcs urbains du monde, déclare-t-il en pointant autour de lui.

Je vois. Alors, candidement, on pensait qu’on était à la campagne. On est plutôt dans un énorme parc en plein cœur de Lisbonne. Mes pensées sont interrompues par un flash de couleur qui passe devant mes yeux.

  • Qu’est-ce que c’était que ça, m’exclamais-je déboussolé.

  • Un oiseau.

Jaime tire sur la fermeture de son sac à dos. Il y plonge la main sans quitter des yeux l’oiseau. Il tient un fusil.

 

 

 

Les chroniques de Han-Maison

Chapitre 13

Jour 2.

J’ouvre l’œil vers 8h. Le son des burpees de Charlie m’a réveillé. Je relaxe dans mon lit le temps qu’elle finisse ses exercices. Une fois ses habits sports enlevés, on se prépare à descendre. Je ressens un peu d’appréhension. En fait, je me demande comment on va faire pour le déjeuner. Je n’ai pas particulièrement le goût de rencontrer les voix de l’autre soir. Au fond de moi, j’espère que la maison est déjà vide et qu’une note nous attend sur le comptoir pour nous indiquer quoi manger. Ce n’est pas du tout ce qui se produit. Lorsqu’on arrive au premier étage, les quatre nous attendent. Trois d’entre eux (dont Selma) semblent avoir à peu près notre âge. La dame assise sur le fauteuil, elle, vient plutôt des mêmes années que Pit. L’accueil est franchement froid. Au début, le silence envahit la pièce. Il est lourd et nous écrase. Charlie et moi sentons des regards qui nous fixent. Un malaise grandit entre nous. Pendant plusieurs secondes, je me contente de regarder mes pieds.

  • Huhummm.

La dame se racle la gorge. Elle finit par parler :

  • Je me nomme Ida. Comment vous appelez-vous ?

Charlie répond avec toute la politesse dont elle est capable.

  • Bonjour à vous. Je m’appelle Charlie, et voici Émile.

  • Enchantée, Charlie et Émile. Je ne vous cacherais pas que votre arrivée a fait l’objet de plusieurs discussions. Heureusement pour vous, Selma, juste ici, tenait beaucoup à ce que vous restiez près de nous. Je suis d’accord avec sa façon de penser. Mais maintenant, vous allez devoir ouvrir très grand vos oreilles. Il y a deux choses que vous devez retenir si vous voulez rester ici. Primeiro, tout le monde doit contribuer à sa façon. Charlie, nous allons avoir besoin de toi faire le lavage et entretenir le gazon. Notre végétation est rare et précieuse. Émile, toi, tu iras tirer les oiseaux avec Jaime.

  • Tirer des oiseaux avec Jaime ?

Je n’ai aucune idée de ce que cette phrase veut dire. Et pourquoi est-ce que je devrais tirer des oiseaux ?

  • Oui mon grand. De nos jours, les poules ont des dents. Et, s’il y a bien une chose que les oiseaux aiment manger, ce sont les humains. Les ondes radioactives ont eu un bien étrange effet sur eux. Maintenant, laisse-moi poursuivre. Segunda, personne ne doit savoir que vous êtes ici. Il existe un homme. L’impio, dit-elle d’une voix quasiment fantomatique. Il ne possède pas de grande légitimité, mais il s’est approprié le pouvoir à Lisbonne en semant la peur. Il détient, dirait-on, une machine qui permet d’enfermer les radiations nucléaires. Les ondes mortelles seraient relâchées sur les gens qui ne respectent pas les règles qu’il a lui-même créées. Ses victimes mourraient lentement, empoisonnées par le nucléaire. Malheureusement pour vous et pour nous, pas d’intrus, ça fait partie de ses règles.

Dans ma tête, je pense au fait qu’on est arrivés en avion en plein cœur de la ville. On aurait pu faire plus subtil comme arrivée d’intrus. Je garde cependant mes pensées pour moi, de peur qu’Ida nous chasse de la maison. Elle termine son discours sur cette note théâtrale. Comme si ce moment marquait une permission spéciale, les autres résidents de la maison se lèvent pour venir nous voir.

 

Les chroniques de Han-Maison

Chapitre 12

Je perçois distinctivement quatre voix. Je n’en reconnais qu’une, celle de Selma. Même s’ils ne parlent pas fort, je ressens la colère dans leurs intonations. Ils reprochent à Selma d’avoir laissé entrer cinq inconnus dans la maison. Je ne peux pas vraiment leur en vouloir. Ils parlent d’un homme. L’Impio. Il ne doit pas apprendre que nous sommes là. Selma s’impatiente. Elle demande aux autres depuis quand ils ont perdu leur humanité. Une autre voix féminine s’élève. « Comment oses-tu dire que je suis sans cœur. Moi, qui me suis démenée tous les jours depuis des mois pour vous nourrir. C’est facile de sortir des grands principes quand on a autant de temps libre pour y penser ». Un bruit de chaise qui frotte sur le plancher. Selma sort à grands pas de la salle à manger. Je me colle au mur pour ne pas être vu. La conversation reprend quelques instants plus tard. « Bon, alors qu’est-ce qu’on fait? », demande une voix juvénile. J’entends un soupir. La dame de tout à l’heure reprend : « Selma n’a pas tort. Ils ont besoin de cette maison. On va devoir les accueillir tant qu’on n’a pas de meilleure solution. Mais il va falloir qu’ils contribuent. Et surtout, qu’ils se fassent discrets. ». J’entends encore les chaises grincer. Je me dépêche à monter au troisième avant qu’ils ne sortent de la pièce.

Charlie est déjà dans notre chambre, étendue sur son lit.

  • Tu as enfin trouvé le chemin de la chambre, me dit-elle en fixant le plafond.

  • J’étais en train d’écouter une conversation importante figure toi.

Je suis encore amère de sa sortie devant le monsieur tout à l’heure.

  • Ah oui! Était-ce une conversation entre Selma et toi que tu écoutais avec autant d’attention ?

  • Bon ça suffit. Je sais qu’elle t’intéresse. Ça se voit dans tes yeux, dis-je me m’assoyant sur mon lit. Mais je ne vois pas en quoi ça te donne le droit d’être aussi sèche avec moi. Je veux dire, il faut se calmer, ça fait une journée que tu la connais!

Une ombre traverse Charlie. Lorsqu’elle réplique, il y a une aigreur dans sa voix.

  • Écoute moi bien Émile. Depuis le début de mon secondaire, je rêve d’avoir une petite amie. Ou au moins de fréquenter une fille. Mais non. Je suis une fille, et je suis autiste. Mon secondaire, je l’ai passé à regarder Mad Max avec personne à côté de moi. Maintenant j’ai 18 ans. J’avais une nouvelle chance avec le Cégep et il arrive une foutue fin du monde. Je ne vois plus personne à part vos cinq têtes à longueur de journée. Et voilà, je débarque ici, je parle à Selma et on s’entend super bien. Au moment où j’ai une opportunité, un morveux s’invite. 16 ans, à peine le temps de commencer à s’intéresser à l’amour et déjà tu peux avoir qui tu veux.

 

  • Wo. Pause. Je ne sais pas pour qui tu me prends, mais, si tu n’avais pas remarqué, je suis paralysé de la moitié du corps. Je ne pense pas exactement que j’entre dans la catégorie des gars qui obtiennent tout ce qu’ils veulent, dis-je en montrant mon corps de la main gauche.

 

Le regard de Charlie s’adoucit. Elle me regarde et secoue la tête. Un léger sourire flotte sur les lèvres.

  • Honnêtement, cette fille nous fait faire des choses! répond-t-elle en soupirant.

Un rire nerveux sort malgré moi.

  • Et ça fait moins de 24 heures!

 

Les chroniques de Han-Maison

Chapitre 11

22h. Je dois aller rejoindre les autres et le monsieur méchant sous le grand arbre. Je me lève, prétend une soudaine envie de marche sous le Soleil et laisse Selma étendue dans l’herbe. Ils sont tous déjà là. Ma famille est assise en cercle, et le monsieur est au centre. Je m’installe à côté de Pit. Il chuchote pour me demander où j’étais passé. Charlie me jette un regard. Le monsieur débute ensuite notre « rencontre ». Il a l’air de bonne humeur. Il nous félicite d’avoir réussi à entrer dans la maison. On dirait qu’il fait semblant qu’on est une équipe. Comme si on n’avait pas été enlevés, menacés de mort, puis forcés de travailler pour lui. Il demande à être informé des faits importants de la journée. Avons-nous un plan? Aurions-nous trouvé des armes ou une faille pour les faire partir?

  • En tous cas, j’ai l’impression qu’Émile pense que Selma est une faille. Il est en mission pour s’en rapprocher.

C’est Charlie qui parle. Elle me regarde avec un sourire, mais son ton est cinglant. Le monsieur me lance un regard intrigué. Je n’aime pas que son attention soit tournée vers moi. Et je ne veux absolument pas que mon lien avec Selma ne soit scruté en termes de développement d’une confiance pour la réussite d’un plan.

  • Excusez-là monsieur, ce n’est rien. Elle est simplement jalouse. Voyez-vous, c’est que Charlie est amoureuse de moi. On essaie de travailler sur son laisser-aller, dis-je en tirant la langue à Charlie.

  • Non, mais pas du tout je …

Le monsieur est déjà passé à autre chose. Il discute avec Pit qui rapporte avoir vu un deuxième résident entrer dans la maison vers 19h. Une fois leur échange fini, le monsieur met fin à notre « réunion ».

Je repars en marchant vers la maison. Ma hanche gauche me fait particulièrement mal en cette fin de soirée. Je ne sais pas si c’est la chaleur qui est la responsable. Le plus souvent, ma douleur n’a pas vraiment de cause. En fait, avec mon hémiplégie, ma hanche est fragile aux luxations. Avant, le déplacement de ma hanche était suivi pas le médecin. Maintenant, tout ce que je peux faire, s’est rester prudent lorsqu’elle me fait mal.

Lorsque je pousse enfin la porte d’entrée de la maison, toute ma famille est déjà au troisième étage. Je me dirige vers la rampe d’accès pour monter me coucher moi aussi. Au moment où je traverse le couloir, j’entends des voix provenant de la salle à manger. Je m’arrête un instant pour écouter.

 

Les chroniques de Han-Maison

Chapitre 10

Ait l’air détendu Émile. Je m’accote plus profondément dans ma pose à un coude. Je déteste voir quelqu’un arriver de loin et devoir attendre qu’il soit à ma hauteur avant de pouvoir faire autre chose qu’un sourire figé. J’aime mieux faire semblant de ne rien avoir vu. Alors je me concentre fort à fixer le paysage. Elle vient s’installer à côté de moi.

  • Je vois que toi aussi tu aimes t’installer dehors pour observer les étoiles! Dit-elle avec une pointe de rire dans sa voix.

Quel sens de l’humour aiguisé cette fille. J’en comprends que nous devons maintenant être le soir. Je lui lance un demi sourire en expirant.

Elle poursuit :

  • Je blague. N’empêche, elles me manquent les étoiles. Parfois, le soir, je sors dehors et je fixe le ciel. J’essaie de les voir fort fort fort.

Ses paroles me font un pincement au cœur. On a tous beaucoup de choses qui nous manquent depuis que la Terre a arrêté de tourner.

  • Ne t’inquiète pas, elles sont encore là, je peux te le confirmer. Elles sont là tous les jours et tous les soirs dans la partie nuit de la Terre. Et elles sont immenses. Je te garantis que tu n’en auras jamais vu autant. La Lune aussi est de la partie. Elle bouge encore elle, c’est assez rassurant.

Les yeux de la fille semblent perdus quelque part dans l’espace. Elle sourit.

  • Vous venez de la partie nuit de la Terre alors, toi et ton groupe.

  • Oui. Et, bientôt, ça va être vous qui allez vivre dans la nuit. Selon Nancy, le changement va se faire dans un peu moins de deux mois.

Je ne sais plus trop quoi dire après ça. La fille reste à mes côtés. Le silence s’étire.

  • Je peux savoir ton nom? lui demandais-je.

  • Selma.

  • Enchanté Selma. Moi, c’est Émile.

Elle rit.

  • Enchanté toi -même.

 

 

Les chroniques de Han-Maison

Chapitre 8

Ding dong.

On sonne à la porte de la maison et je suis le premier devant. Pourquoi ? Mon charme peut-être. La porte s’entrouvre une main en sort. Je n’ai le temps d’apercevoir qu’une main basanée et quelques bagues. Une canette avec de grosses lettres formant AEROFIX me pointe. Un jet aérosol en sort et m’asperge de la tête aux pieds. La moitié gauche de mon visage montre clairement que je suis dégoûté. Une fine poudre blanche recouvre mon corps et mes vêtements. J’en ai particulièrement plein les cheveux. J’attends notre hôte de pied ferme. Pas si ferme que ça en fait. Lorsque la porte s’ouvre complètement, une fille apparaît. Elle a de longs cheveux blonds avec de légers reflets bruns. On dirait que l’été s’est incarné en une personne. Et son visage est magnifique. Elle nous accueille d’un sourire craquant avec ses broches. Je me retourne vers ma famille. Peter et Charlie sont aussi soufflés que moi.

  • … nucléaire ?

Oups elle a parlé.

  • Tu as dit quoi ? demande Charlie.

  • J’ai dit : Vous ne vous êtes pas désinfectés du nucléaire bande de fous!

À ces mots, elle sort dehors et arrose de AEROFIX ma famille. L’ampleur de la situation me rattrape et mon sang ne fait qu’un tour.

  • La ville est contaminée par des ondes radioactives, c’est ça ? dis-je d’une petite voix chevrotante pour bien commencer notre conversation.

  • Attendez, vous n’êtes pas au courant ? demande-t-elle d’un air faussement surpris. La Terre a arrêté de tourner.

  • Oui…

Je ne comprends pas trop où elle veut en venir. Mais Nancy devient excitée. Elle lève la main en faisant des petits « oh » « oh » comme si elle voulait avoir la parole en classe. Elle finit par se lancer.

- Vous êtes une des régions qui a souffert de la diminution du centre gravitationnel de la Terre. L’atmosphère au-dessus de la ville est en train de s’effriter et les ondes plus fortes du Soleil, comme les ondes nucléaires, peuvent maintenant passer.

La fille blonde pointe Nancy.

- Et un point pour la dame qui est très certainement une professeure. La ville est affectée oui, mais pas ici. Alors c’est très important que vous vous désinfectiez avant d’entrer dans la maison. J’en conclue que vous ne venez pas d’ici. Sinon, vous seriez assurément au courant de ce qui se passe. Qu’est-ce que vous amène ?

Elle dit ça en s’accotant sur le cadre de porte, comme pour nous empêcher de passer. Notre explication va devoir être convaincante. Je prends une grande inspiration avant de me lancer.

  • Il y a eu un raz de marée sur l’île où on habitait. Notre maison est complètement détruite et on ne peut pas juste déménager n’importe où. Peter a besoin d’un respirateur le soir et d’un banc de douche. Mamie Martine a besoin d’un lit avec des rampes de sécurité et d’une toilette adaptée à ses vertiges. Charlie a grandement besoin d’une routine qui a tendance à manquer de nos jours. Et, moi, j’ai besoin d’appareils de physiothérapie pour ne pas faire de régression.

 

  • D’accord, et la professeure elle ?

 

  • On a besoin d’elle pour nous assister dans tout ça. Elle était bénévole dans notre maison avant, rétorquais-je.

 

Une fois mon explication terminée, le visage de la fille se referme. Elle fronce les sourcils et semble perdue à l’intérieur de sa tête. Cela ne dure qu’un instant. Son fameux sourire éclaire à nouveau son visage et elle nous ouvre le passage.

  • Bon allez, soyons fous, dit-elle en riant. Venez, je vais vous installer un peu.

 

 

Les chroniques de Han-Maison

Chapitre 7

Un autre élément cloche dans la ville.

Je ne parviens pas exactement à saisir quoi, mais c’est comme si l’air était différent. Mamie Martine s’appuie sur moi alors qu’on commence notre marche sur la route principale. À notre gauche, les maisons maintenant vides se dressent, alors qu’à notre droite, on longe le désert. Le monsieur nous fait bifurquer vers une route secondaire. Là, les bâtiments sont recouverts d’énormes plaques de métal. Il y en a sur le toit et sur chacun des murs. Au travers des joints, je sens qu’on nous regarde. Des gens habitent ici. Je me rapproche de Charlie.

  • Qu’est-ce que Mad Max penserait de la situation? Chuchotais-je.

  • Ça ne sent pas bon Émile. Je ne sais pas à quoi servent ces plaques de métal, mais les gens essaient de se protéger de quelque chose. Quelque chose de vraiment, vraiment dangereux.

Un sentiment d’inconfort se dépose au creux de mon ventre. Nous tournons encore à gauche. Cette fois, nous empruntons un petit chemin qui nous éloigne de la ville. Je sens la pression redescendre un peu. Ces regards m’ont mis à cran. L’herbe n’est plus. Elle a été brulée et complètement desséchée. Par contre, les arbres sont encore là. Ils parsèment la route et ils sont tout en fleurs, si je peux le dire ainsi. Les bouts de leurs branches sont remplis de pollen qui s’envole en grosse boules roses dans les airs. Au travers de cette étrange clairière pousse une petite balustrade de roches. Derrière elle, se dresse la maison substitue de Han-Maison. Le monsieur nous fait arrêter à plusieurs mètres de la demeure, sous le couvert d’un grand arbre.

  • Je ne vais pas plus loin, dit-il de sa voix grave. Revenez me voir à 22h, ici, tous les soirs. Je veux garder contact. Je me fous de comment vous allez vous y prendre, mais ma femme emménage dans cette maison d’ici les 30 prochains jours.

À ces mots, il repart sur le chemin que nous avons emprunté plus tôt.

Nous nous regardons. Charlie ouvre la discussion.

  • On a besoin d’un plan. Je vous le dis tout de suite, la chance n’est pas de notre côté. On a aucune arme, aucune aide et absolument aucune connaissance du terrain.

 

  • Arme? Peter avale presque sa moustache à ce mot. Je refuse d’utiliser une arme sur qui que ce soit. Mon grand-père est devenu infirmier durant la Première guerre mondiale pour éviter d’utiliser une arme. Oui monsieur, et je compte bien honorer sa mémoire!

Pit enclenche une mutinerie. Mamie Martine, Nancy et moi-même nous offusquons contre les méthodes musclées que Charlie laisse sous-entendre. Pas question de faire de mal à qui que ce soit.

  • - Très bien, répond Charlie. Dans ce cas, il ne nous reste plus qu’à les convaincre….

Quelques minutes de plus suffisent à ce qu’elle concocte notre plan. Il s’appuie sur trois phases.

Étape 1 : Leur faire croire que notre maison est détruite et que nous avons absolument besoin d’un refuge adapté temporaire.

Étape 2 : Gagner leur confiance.

Étape 3 ?

Bon, notre excuse pour les faire partir n’est définitivement pas au point, mais il nous reste du temps pour la trouver.

 

Ding dong.

On sonne à la porte de la maison. Et je suis le premier devant.

 

 

Les chroniques de Han-Maison

Chapitre 6

Ce que je vois sous mes yeux n’a, je crois, jamais été vu dans l’histoire de la Terre. On l’aperçoit très distinctivement. La noirceur presque totale se transforme en une marée de lumière. Je retiens mon souffle. Le changement est trop drastique. Ma vision se teinte de points lumineux et je n’arrive plus à voir. Je ferme mon œil fort, fort, fort. Lorsque je l’ouvre, le Soleil est là. Je ne l’ai pas vu depuis plus de 130 jours. Il est magnifique. Jaune, orange, presque rouge. Énorme. Je crois que c’est le plus beau jour de ma vie. Je me rends compte que j’ai haï ces derniers mois. Mes barrières sont en train de fondre. Je déteste le noir. Je le vois tous les jours dans mon œil droit. Un sentiment grandi au creux de mon ventre et s’élève dans mon cœur. Je ne sais pas ce qui nous attend dans cette aventure, mais j’ai l’impression qu’on va enfin pouvoir vivre.

Deux heures plus tard, l’avion se pose. Le sable se soulève et nous empêche de voir les environs. On se regarde. Personne ne sait ce qu’on doit faire. Notre consternation est interrompue par la porte du commandement de l’avion qui glisse pour s’ouvrir. Le monsieur en sort. Je le vois pour la première fois à travers le hublot. Il ressemble vaguement à ce que j’imaginais. Grand, imposant, avec les cheveux bruns frisés. Ses traits sont grossiers et il a de grosses mains. Je lui donne entre la fin trentaine et le début quarantaine. Je ne sais pas trop ce que Linda lui trouve, mais moi il ne me fait pas une très bonne impression. Comme s’il entendait mes pensées, il tourne sur lui-même et me fixe à travers la vitre. Ses yeux sont d’un vert perçant. C’est peut-être ça qui a conquis Linda. Il se met à monter les escaliers. Il va entrer dans l’habitacle.

« Tout le monde sort! La maison est à trois kilomètres, on va marcher. ».

Il regarde le fauteuil de Pit.

« Ou rouler ».

Je me lève pour aider Mamie à se redresser et sortir. L’âge lui a fait cadeau de troubles de perte d’équilibre et, avec ce voyage, elle doit assurément avoir des vertiges. Au moment de poser le pied à l’extérieur, l’appréhension s’empare de moi. Je regarde autour et je ne reconnais pas… le monde. Nous sommes à l’aéroport de Lisbonne. Cette ville est mondialement reconnue pour être une superbe destination au bord de l’eau. Mais il n’y a pas d’eau. Sa seule trace encore visible est la délimitation des maisons qui s’arrêtent pour marquer l’endroit où la plage commençait. Le reste a été remplacé par un immense étendu vide et sablonneux. Un désert. Un autre élément cloche dans la ville.

 

 

Chapitre 5

Un délai de 30 jours avant de mourir. Mon cœur ne fait qu’un tour. Quoi Peter? Qu’est-ce que tu fais à dire des trucs pareils. Je ne comprends pas ce qui nous arrive.

  • QU’EST-CE QUI NOUS ARRIVE ? Et où est ma canne? Est-ce que j’ai encore ma canne?

Je fouille nerveusement avec mon bras autour de moi. Mamie place ma canne dans ma main. Au moins ça. Mon cœur se calme un peu.

Charlie m’explique ce qui s’est passé pendant que je m’étais évanoui. Le monsieur à la voix grave a demandé à ce qu’on sorte. Charlie est apparue de derrière les rochers. Il tenait absolument à nous voir tous les deux, alors elle a dû me trainer hors de la grotte. Il a ensuite dit à Charlie ce qu’il voulait… Han-Maison. Paf, voilà. Sa femme, Linda je crois, a déboulée les escaliers il y a cinq jours, et elle en est ressortie avec les jambes paralysées. C’est bête la vie en. Han-Maison est l’une des rares maisons bien adaptées pour les fauteuils roulants. Tout y est plus bas : comptoirs, éviers, garde-robe, lit, fenêtres, four, etc. Il faut ajouter à ça la présence de rampes d’accès, de larges salles de bain avec bancs en bois pour la douche et même de portes PMR. Les maisons de ce type encore debout n’existent presque plus de nos jours. Alors, évidemment, le monsieur la voulait. Charlie a dit non. À ce moment, il est devenu très agité. Charlie a dit qu’il s’est mis à marcher sans direction. « Non », « non », « non », de plus en plus fort. Puis, il s’est retourné d’un coup et nous a pointé. Et il l’a complètement perdu.

« Je vais tous vous flinguer. Tu m’as entendu. Je vais venir, durant la nuit, avec plus de personnes. Et on va tous vous tuer. Vous ne saurez pas quand, mais bientôt. C’est fini. Je vais avoir ma maison. ». Charlie imite sa voix grave.

Heureusement pour nous, le training Mad Max a pris le dessus sur elle. Elle a négocié une trêve. À ce qu’il parait, il existe une autre maison adaptée, dans la partie jour de la Terre. Là où se trouvait le Portugal. On s’en va faire un voyage exotique. On ne sait pas qui habite la maison, n’y ce qui se passe dans cette région du monde. Mais si on parvient à sécuriser le bâtiment pour le monsieur et sa femme dans les 30 prochains jours, alors il va nous laisser tranquilles. Voilà comment nous nous sommes retrouvés à bord de son avion (le monsieur a des moyens) en direction du Portugal. C’est lui qui pilote actuellement. Il vient avec nous pour s’assurer que nous ne lui faisons pas faux bond. Inutile selon moi. On ne peut pas juste s’enfuir dans la nature comme ça. On a absolument besoin de Han-Maison. Je ne sais même pas comment on va faire pour survivre 30 jours sans elle. Pit a besoin de son respirateur artificiel la nuit. Bordel. Mes pensées sont interrompues par une apparition. L’avion passe la ligne d’ombre.

 

ACTUALITÉ/NATURE

Rencontre avec une mystérieuse verdure

-Mathilde Tremblay, octobre 2022-

V1

La langue Abénaquise, traditionnellement parlée par les Premières Nations habitant la région de Sherbrooke, utilise le mot « mskiko » pour faire référence à « tout ce qui pousse » sans être un arbre. La touffe composée de diverses herbes non-identifiées qui pousse sur les bords d’autoroute, les champs abandonnés ou les pelouses mal tondues; c’est à elle que « mskiko » s’adresse.

Il est étonnant de voir qu’en fait une grande majorité des herbes nous sont étrangères. Nous ne pourrions les décrire que sous le nom mskiko, « tout ce qui pousse », sans être en mesure de nommer leur espèce précise.

Il sera donc présenté brièvement une herbe des plus présentes au Québec qui est trop souvent prise pour acquis pour que quelqu’un ne s’arrête et prenne le temps de la connaitre.

Entamons les présentations officielles

Évidemment, le « gazon » qui forme les pelouses vertes entourant la maison est le premier grand oublié des herbes. Quel est son nom? D’où vient-il? Pourquoi avoir choisi cette plante pour couvrir les terrains?

Ce qui est appelé « gazon » est en fait un mélange de plantes graminées appelées fétuques. Ces dernières ont comme propriété de supporter avec excellence la tonte répétitive. Certaines fétuques sont natives du Québec. C’est le cas de la fétuque rouge qui couvre fort probablement de nombreuses pelouses de l’Estrie. Si elle n’était pas tondue, elle aurait un aspect bien différent de la petite tige verte que nous lui connaissons bien. Dans sa deuxième vie, celle où elle pousse jusqu’à pleine croissance, la fétuque rouge mesure de 30 à 50 cm de hauteur. Elle se termine par de petits épis secs qui lui donne une allure similaire au blé.

V2

 

ACTUALITÉ/SPORT

L’équipe canadienne de rugby en fauteuil roulant sort 5ème au Championnat mondial de Vejle

-Mathilde Tremblay, octobre 2022-

C’est au Danemark qu’avait lieu le Championnat mondial 2022 de rugby en fauteuil roulant. L’événement rassemblait les meilleurs joueurs de tous les continents qui s’affrontaient pendant les 7 jours que couvrait la semaine du 10 au 16 octobre.

Les hauts et les bas du Canada

L’équipe canadienne était de la partie pour le championnat. Voici un résumé de sa trajectoire qui sera qualifiée de houleuse pour les besoins de l’illustration.

 trajectoire houleuse du canada au chanpionnat mondial de rugby en feuteuil roulant 

C’est donc après avoir perdu en quart de final contre les États-Unis, mais remporté les deux dernières parties du tournoi que les athlètes canadiens ont obtenu le titre de cinquième au rang mondial.

 

Toujours en termes de classement, le canadien Zak Madell a été nommé meilleur marqueur du championnat pour les très nombreux points qu’il a su attribuer à son équipe.

 

Qui est le grand gagnant?

 

Le match pour la médaille d’or opposant l’Australie aux États-Unis n’a pas été de tout repos pour les Australiens. Ils ont finalement arraché la victoire aux Américains en terminant la partie avec trois points de plus. C’est donc l’Australie qui sort grande gagnante du championnat mondial.

 

 
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