Devoir choisir entre l’amour et le chèque de l’État
Des personnes handicapées qui subissent toute leur vie les contraintes de l’aide sociale attaquent Québec
Photo courtoisie Depuis que Richard Guilmette (droite) s’est marié avec Karine Savard-Arsenault (gauche), il dépend du salaire de son épouse. S’il divorce, il ne pourra pas retoucher sa prestation sociale.
Dimanche, 19 juillet 2015 22:39 MISE à JOUR Lundi, 20 juillet 2015 10:43
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Les personnes trop handicapées pour travailler veulent traîner en justice Québec, qui les contraint à renoncer à vivre à deux pour toucher la solidarité sociale.
Richard Guilmette, 42 ans, a voulu se marier en 2007. Depuis, il est privé de ses 940 $ mensuels.
«Si je veux faire un cadeau à ma femme, je dois lui demander de l’argent. Je suis un sous-homme», s’indigne celui dont les muscles ne fonctionnent plus à cause d’une amyotrophie spinale de type 2 à vie
Les personnes trop handicapées pour avoir un emploi ont pour seul revenu l’aide financière de dernier recours.
Le problème, c’est qu’elles sont soumises aux mêmes contraintes que ceux qui touchent le bien-être social et pourraient reprendre le travail.
Pour continuer à toucher leur argent, ces personnes doivent donc renoncer au mariage ou à l’union de fait. Elles ne peuvent pas non plus voyager à l’étranger plus d’une semaine, ni épargner plus de 2500 $, entre autres. Le moindre don est déduit de leur chèque.
Comme leur handicap est permanent, ces gens subissent ces contraintes à vie.
Frustré, M. Guilmette a décidé de déposer une requête en recours collectif contre le gouvernement il y a 10 jours. La requête vise à le désigner comme coreprésentant de toutes les personnes trop handicapées pour travailler et touchant ou ayant touché la prestation sociale.
C’est le cas de Lisa D’Amico, 50 ans, l’autre coreprésentante proposée. À la différence de M. Guilmette, elle a renoncé à toute vie de couple pour continuer à toucher son chèque, qui la maintient sous le seuil de la pauvreté.
«Sinon, j’aurais eu l’impression de coucher avec mon père. J’aurais été totalement dépendante de l’argent de mon époux», explique cette femme catholique, qui rêvait pourtant de se marier.
«Et puis, je n’aurais pas voulu expliquer à mes enfants pourquoi on subit toutes ces discriminations, pourquoi on ne peut pas quitter la province pendant une semaine», dénonce-t-elle.
Pour leur avocat, Me Gérard Samet, le Québec viole tout simplement les droits fondamentaux de ces gens.
«Ces personnes ne peuvent même pas accéder à un travail à temps partiel. Quelle perte pour l’humanité, et quel scandale dans un pays avec une charte des droits!» s’exclame-t-il.
Les requérants demanderont 10 000 $ pour chacune des 200 000 personnes affectées. Si la requête est acceptée et qu’ils remportent leur bataille, la facture pourrait grimper à deux milliards pour le gouvernement.
Mais ils espèrent surtout que Québec élaborera un régime adapté à leur réalité.